Énigme, question rituelle et performance magique : la question à poser ou à ne pas poser
Résumé
Paru dans « Énigme, question rituelle et performance magique : la question à poser ou à ne pas poser », L"Enigma nella letteratura europea dall'antichità e dal medioevo all'età moderna, a cura di Margherita Lecco, Alessandria, Edizioni dell"Orso (L'Immagine Riflessa, N.S. Anno XIX, n° 1-2 (Gennaio-Diecembre) 2010, p. 79-91. Une parole mythique: l'énigme, la question à poser ou à ne pas poser Pourquoi ne dis-tu rien ? dit la baba Yaga, et qu"as-tu à rester là plantée comme une souche ? Ŕ Je n"ose pas, dit Vassilissa, pourtant si tu le permets, j"ai quelque chose à te demander. Ŕ Demande, mais méfie-toi ! Toutes les questions ne sont pas bonnes à poser 1 ! L"énigme renvoie fondamentalement à la parole divine, au je suis qui suis, au fiat, donnée comme une question primordiale à laquelle le mythe cherche à répondre 2 ; cependant, son fondement reste sinon tabou, du moins indicible comme le nom de Dieu. Résoudre une énigme, c"est décrypter des paroles divines, des oracles fondateurs. C"est par là que les dieux tiennent nos destinées entre leurs mains, comme l"exemple d"Odin l"illustre. Dans la littérature, on retrouve l"énigme sous le manteau apparemment inoffensif de certaines questions-clef aux étranges résonances qui jalonnent l"imaginaire médiéval comme autant de pierres d"achoppement, en particulier dans les contextes banalisés de l"aventure chevaleresque 3. C"est dans ce contexte que nous nous proposons d"examiner la problématique de l"interrogation mythique, d"abord sous l"angle du défi à travers lequel elle se présente volontiers à l"élu, pour ensuite explorer ses formes et chiffres variés. Enfin, nous tenterons de dégager la dimension proprement magique inhérente non pas tant à la solution mais à la résolution de l"énigme, qui nous mettra sur la voie de ses signifiances fondamentales dans l"univers poétique médiéval. I. Un défi chevaleresque et rhétorique: la question d'identité Quant Antyocus apparceut que il n"auroit ja pais se il ne la marioit, il [fist] ung [devinail] en grec par telle maniere que il faloit bien estre bon clerc qui le savoit lire. Et fut dist que celluy qui le saroit lire aroit la damoiselle a femme, et cellui qui fauldroit auroit la teste couppee et mise a la porte de la tourt 4. L"énigme qui se met en travers de la route du héros prend volontiers l"aspect d"une simple variante de l"épreuve chevaleresque: c"est un défi posé à son intelligence sinon à son courage 5. Et comme dans le combat chevaleresque, il risque sa vie en s"y soumettant. Mais s"il triomphe, l"épreuve ainsi surmontée devient critère d"élection ; elle devient l"aventure dévolue au sens de Köhler, confirmation de la prédestination du héros à accomplir la mission qui l"attendait de tout temps. Ainsi donc, la dimension mythique de l"énigme est déjà visible dans cette configuration narrative élémentaire. A travers l"idée de risque mortel dans une joute pour la connaissance, la littérature médiévale reprend une conception archaïque de 1 Afanassiev
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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