L'anneau de Lunete (Yvain, CHrétien de Troyes) - Université de Reims Champagne-Ardenne Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

L'anneau de Lunete (Yvain, CHrétien de Troyes)

Résumé

L'anneau de Lunete ou Auctor ludens Le passage bien connu de l'anneau d'invisibilité, dans le Chevalier au Lion 1 , auquel est consacrée notre réflexion, constitue, à l'échelle du roman, un houleux prélude à l'amour où les principaux codes non seulement de la courtoisie mais également de la merveille sont mis à rude épreuve dans une imbrication originale. L'anneau, emblème et gage d'amour par excellence, en même temps que talisman magique dans de nombreuses traditions, est détourné complètement de ses fonctions classiques pour devenir une manière de cape d'invisibilité dans une véritable scène de mascarade, à laquelle cependant reste subordonnée la naissance de l'amour, ingrédient « classique » de la courtoisie. D'habitude, Chrétien intègre habilement le merveilleux dans son texte : au mieux, une hésitation persiste, pour expliquer tel événement ou phénomène étrange, soit par le surnaturel soit par la raison (cf. Freud, Das Unheimliche 2) ; le plus souvent, la merveille, simple ingrédient poétique du texte, se fait si lisse qu'elle en serait presque inapparente. En tout cas, elle n'étonne guère, elle est habituellement acceptée sans réticence particulière par les personnages impliqués. Et comme elle est acceptée par les acteurs, le lecteur la reçoit de la même manière. Calogrenant par exemple, en relatant la merveille de la fontaine, ressent juste le besoin de préciser qu'il ne ment pas d'un mot, et l'affaire est réglée : dès lors, il paraît presque naturel que le fait d'arroser une pierre déclenche une terrible tempête qui est suivie par un épisode de sérénité cosmique quasi paradisiaque : oui, telle est la manière habituelle du maître champenois d'intégrer la merveille dans le récit : à la fois avec discrétion et simplicité. Mais il n'en va pas de même dans le passage qui nous occupe aujourd'hui. Chrétien utilise ici un merveilleux absolu qui ne laisse personne indifférent, comme il s'agissait d'emblée de le stigmatiser : ici, la merveille suscite l'épouvante et déclenche la fureur des principaux intéressés, mais également une franche gaîté de tous ceux qui lisent ou entendent l'aventure parce qu'ils ont été initiés si l'on peut dire par l'auteur qui les a placés à ses côtés pour leur permettre se divertir par ainsi dire avec lui du spectacle. La merveille est tournée en dérision et devient source de comique : Gauvain lui-même en entendant le récit, Gauvains molt se rit (v. 2432). Cet épisode aux qualités éminemment narratives peut être lu comme une mise en scène critique sinon parodique des procédés et ingrédients romanesques courtois habituellement mis en oeuvre pour édifier une thématique amoureuse, et ce par le truchement d'une merveille qui ne cesse de faire l'objet des railleries de l'auteur lui-même. En effet, il ne se cache pas derrière son récit, ne nous offre pas de couture invisible-si je puis me permettre-de son ouvrage, mais au contraire s'amuse et jubile au grand jour en tirant sur de grosses ficelles, comme se délectant lui-même de cette scène et de la réaction des personnages qu'il est pourtant seul à animer, comme un marionnettiste. Mieux, il a l'air de jouer au chat et à la souris aussi bien avec ses personnages qu'avec ses auditeurs 3

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K. Ueltschi Anneau de Lunete Auctor ludens.pdf (334.75 Ko) Télécharger le fichier
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Dates et versions

hal-01920942 , version 1 (13-11-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01920942 , version 1

Citer

Karin Ueltschi. L'anneau de Lunete (Yvain, CHrétien de Troyes). XIVe Congrès de la Société Internationale de Littérature courtoise (SILC/ICLS), Jul 2013, Lisbonne, Portugal. ⟨hal-01920942⟩
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