, Comme leurs prédécesseurs, les membres de la nouvelle « société » de 1729 estiment qu'ils sont davantage en droit de dire la vérité sur les ouvrages qu'ils commentent puisqu'ils ne parlent pas en leur nom propre mais à titre collectif : « À cet égard, un journal, composé par une société, a de grands avantage sur ceux qui n'ont qu'une seule personne pour auteur : et on ne pourra jamais, sans injustice, se plaindre d'aucun des particuliers qui ont part à celui-ci ; chacun d'eux pouvant faire ajouter à un extrait, tout ce qu'il croit y convenir, pourvu que la société en juge de même, à la pluralité des voix. Ainsi, ce ne sera que de cette société en général

, Mais, dans les textes liminaires qui ont jalonné l'histoire de ce périodique, les protestations d'humilité sont retournées en affirmations triomphales, puisque les rédacteurs ne cachent pas leur intention de libérer la parole critique et justifient les audaces des commentaires par le caractère collectif de leur travail. Certes, aucune des deux « sociétés » successivement en charge du journal n'a pu durablement réaliser cette ambition. Mais le prestige du Journal littéraire n'en est pas moins allé grandissant, au point qu'un véritable mythe s'est rapidement constitué autour de ce périodique. Ainsi, dans son « Éloge historique » paru en 1737, le biographe de Van Effen choisit de ne rien dire des tensions entre journalistes, et salue au contraire les liens de complicité qu'entretenaient les membres de cette « société de jeunes écrivains 19 ». Vingt ans plus tard, Les auteurs du Journal littéraire ne se contentent donc pas d'inventer une nouvelle méthode de rédaction : ils proposent aussi une redéfinition de l'identité professionnelle des journalistes. Ils exigent de ces derniers davantage d'humilité, dans la mesure où chaque rédacteur doit selon eux admettre sa dépendance à l'égard du reste de l'équipe

, Journal littéraire, vol.1, issue.1

, Bibliothèque française ou Histoire littéraire de la France, vol.25, p.141, 1737.

, Dictionnaire historique, p.216

J. Addison, R. Steele, and . Longman, The Spectator, pp.1711-1712

H. Alexandre, G. S'gravesande, . Jacob, . Marchand, . Prosper et al., Journal littéraire. La Haye : Johnson (t. I-XII), pp.1713-1737

T. Saint-hyacinthe and . De, , pp.1718-1719

F. Parfaict, Le Quart d'heure amusant, 1727.

L. Mangenot, Le Spectateur littéraire, 1728.

E. Joncourt and . De, Journal historique de la République des Lettres. Leyde : Haak et Luchtmans, pp.1732-1733

J. N. Allamand, . Samuel.-;-s'gravesande, P. Dans, and . Marchand, Dictionnaire historique, ou Mémoires critiques et littéraires, concernant la vie et les ouvrages de divers personnages distingués, pp.215-221, 1759.

L. Haye,

J. Sgard, Qu'est-ce qu'un journal à l'époque classique ? Dans U. Kölving et, Sciences, musiques, Lumières. Mélanges offerts à Anne-Marie Chouillet, pp.481-488, 2002.