Le réalisme poétique des Manigances
Résumé
Dans Les Manigances, Elsa Triolet procède à un usage multiforme de l’ellipse qui confère à son écriture narrative un caractère poétique. Les blancs inévitables dans tout récit sont cultivés jusqu’à l’éclatement du genre romanesque. Il s’agit moins de dire le réel de façon exhaustive comme y inviterait naïvement le programme réaliste, qu’il soit romanesque ou autobiographique, que de le suggérer. L’écriture poétique se déploie à l’échelle de la phrase qui cultive la métaphore insolite et le télescopage syntaxique, du montage de séquences à caractère onirique, du rapport iconique aux intertextes. Choses vues (Victor Hugo) occupe une place emblématique dans ce dispositif conduisant le lecteur à superposer les schèmes mimétiques du monde extérieur et les images du monde intérieur. La lecture s’ouvre ainsi sur l’analyse du discours de l’héroïne, partagé de façon indécidable entre égoïsme et altruisme. L’écriture lacunaire appelle aussi à replacer ce petit roman dans le contexte plus large de la trilogie L’Âge de nylon avec laquelle il entretient un dialogue critique.