Le domaine de recherche situé à l’intersection de la littérature et du cinéma se résume le plus souvent à la question, fort traditionnelle, de l’adaptation du texte littéraire au support filmique. Rien de plus usé, de plus rebattu que cela, dira-t-on. Pourtant, au vingtième siècle, certains dramaturges français renversent l’ordre de ces transferts et adaptent à rebours les techniques du septième art au théâtre. Depuis les effets caméras de cette œuvre claudélienne trop longtemps laissée dans l’ombre qu’est L’ours et la lune jusqu’à l’écriture visuelle du célèbre Balcon de Jean Genet et les multiples références au cinéma hollywoodien du répertoire d’Eduardo Manet, toute une série de nos auteurs du vingtième siècle vont en effet repenser leur art théâtral et renouveler leurs techniques dramaturgiques à partir du cinéma. Dès lors, à travers une sélection des pièces les plus emblématiques, nous verrons comment la circulation entre image filmique et texte dramatique, entre grand écran et scène, permet de donner une nouvelle dimension au théâtre français qui devient ainsi au tournant du siècle, un art hybride et métis suggérant que notre théâtre cinéphile est né et qu’il va même constituer une surprenante source d’inspiration pour la scène latino-américaine de la seconde moitié du vingtième siècle.