À travers une analyse des oeuvres de D'Annunzio, de Gide, de Joyce, de Thomas Mann et de Rilke, le propos de cet ouvrage est de montrer que le roman des quêtes de l'écrivain peut être appréhendé comme un véritable genre. Etudier la manière dont, au tournant des XIXe et XXe siècles, l'écrivain se fait personnage permet à la fois de le situer au regard des figures du peintre, du musicien, voire du sculpteur, et d'interpréter, sous un angle nouveau, l'histoire des mentalités et des sensibilités esthétiques de cette époque. L'analyse des bouleversements formels induits par la présence même, au coeur de l'intrigue, d'un écrivain jouant le rôle qu'il s'imagine devoir être le sien, s'appuie donc sur celle des arrière-plans politique, idéologique et même économique sur lesquels se dessine la vie littéraire en Europe autour de la Grande Guerre. Mais si aucune catégorie générique ne saurait jamais être réduite à un reflet de conditions extralittéraires, aucune ne peut davantage être commentée comme une simple affaire de forme, ni de jeu, même hardi, avec la tradition poétique. Un genre littéraire est aussi \textendash et peut-être avant tout \textendash un mode particulier d'interprétation qu'un texte propose et dont le lecteur dispose. La représentation, en abyme, d'un personnage d'écrivain en quête de son grand oeuvre induit pour le lecteur auquel il sert de support d'identification une dialectique singulière entre participation et prise de distance, entre adhésion à des fantasmes archa\"iques et engagement oedipien, entre jouissance de la régression et plaisir d'une expérience fictive de réalité. Ma\ⁱtre de conférences en littérature comparée à l'Université de Bourgogne, Sébastien Hubier est l'auteur de Littératures intimes. Expressions du Moi de l'autobiographie à l'autofiction (Armand Colin). Il prépare actuellement un essai consacré au mythe littéraire de la " petite madone perverse " de Pierre Louÿs à Alfredo Bryce-Echenique