Fantôme et mimèsis à l’âge classique : la théorie hantée
Abstract
Dans les années 1630, quand le théâtre français s’institutionnalise, le fantôme se sent tout à coup moins à l’aise sur les planches. Lui qui avait hanté avec bonheur la scène du théâtre humaniste trouve difficilement une place dans ce théâtre régi par les lois de la vraisemblance, du decorum et de l’expression rhétorique des passions. D’ailleurs, il le sait bien : il n’a qu’à se reporter aux rares traités qui parlent de lui pour s’apercevoir qu’en toute rigueur, il n’a pas sa place sur la scène illusionniste. Scaliger et Castelvetro sont d’accord pour l’en exclure, et décréter que le fantôme n’est pas un personnage dramatique parce qu’il enfreint toutes les lois de l’espace scénique. Deux choix s’offrent alors au fantôme : soit il se laisse réduire à un élément du décor ou de la machinerie, en perdant entièrement son statut de personnage ; soit, de façon beaucoup plus insidieuse, il devient le paradigme du personnage de théâtre.