Lecture et contingence : l'exemple de La Queste del saint Graal
Abstract
Dans la Queste del Saint Graal, les religieux redéfinissent l’aventure en lui retirant toute part de contingence ; désormais explicitées, orientées, interprétées, les aventures de la Queste sont subordonnées à un plan divin et n’ont plus grand-chose à voir avec leurs consœurs du 12e siècle, liées aux volontés de l’homme et aux aléas de son parcours terrestre. Cette orientation nouvelle est en soi problématique et mérite que l’on s’y arrête plus longuement ; la redéfinition de l’aventure altère en effet profondément la structure du récit et les modalités de la narration. Au-delà de ce constat cependant, nous souhaiterions examiner ce qu’un tel rejet de la contingence nous apprend sur les contemporains de la Queste, et, plus encore, ce qu’il implique pour la lecture du roman. Car la notion d’aventure est étroitement liée au genre romanesque – tout particulièrement durant l’époque médiévale. En imposant, au sein même de son récit, une vision unique et orientée de l’aventure, l’auteur impose de même une interprétation univoque de l’histoire, et dessine un « contrat de lecture » d’où semble exclue toute liberté pour le lecteur. Que signifie donc un tel projet ? Quelles en sont les limites – et quels en sont les risques ? Voici les questions auxquelles cet article tentera d’apporter quelques réponses.