Le goupil en liberté : la jubilation du désordre dans Le Roman de Renart
Résumé
Sous la plume du narrateur, un mot revient fréquemment, desroi, dont la polysémie en AF (« attaque », « tumulte », « agressivité ») ne doit pas dissimuler l’acception première : le desroi, qui s’oppose par définition au roi, renvoie avant tout à la notion de « désordre ». Qu’il s’agisse de transgresser des règles ou de rompre un temps de paix, de briser le calme ou de bafouer la loi, on comprend aisément l’importance de ce mot dans un récit prenant pour héros Renart, le « trompeur universel » , réfractaire à toute forme d’autorité. Partant de ce constat strictement lexical, nous avons souhaité aller plus loin en étudiant la manière dont le refus de l’ordre établi s’inscrit dans le récit et retentit sur la narration ; plus exactement, il nous semble que la notion même de désordre affecte les actions et les relations intra-diégétiques mais aussi le récit du conteur et, au-delà, le rapport qui s’instaure entre le lecteur et son texte. C’est pourquoi, après avoir observé le monde de Renart, marqué par la mise à mal de l’autorité temporelle et le renversement de la hiérarchie naturelle, nous verrons comment cette forme d’« anarchie », vécue comme une invitation au plaisir et à la liberté, conduit vers un double affranchissement : celui du conteur et de son lecteur.