À l’ère covidienne du télétravail généralisé et d’une fermeture forcée des théâtres faisant regretter même le temps du « tout écran au théâtre » d’un Danan, nous souhaiterions interroger le jeu avec les écrans qu’ont pu proposer, de façon presque prophétique, deux créations de L’Illusion Comique entre 1970 et 2004 : celle de Brigitte Jaques Wageman à la Comédie de Genève ainsi que l’adaptation télévisuelle proposée par Robert Maurice aux côtés du célèbre Roger Blin, de François Vibert et de Roger Cornillac. Ces deux productions reposent en effet toutes deux sur une stratégie écranique faisant apparaître l’écran sous un double visage. Tantôt, l’écran va nous absorber et par cette dimension immersive renforcer l’illusion en nous faisant perdre nos repères réels (tel n’importe quel gamer actuel), tantôt au contraire la distance spatiale et temporelle induite par l’écran va engendrer une forme de distanciation ou de desengaño envers l’action dramatique représentée. In fine, l’utilisation des écrans présents dans ces deux mises en scènes parvient néanmoins à dépasser cette dualité entre présence et distance, ici et ailleurs, en mettant à l’œuvre une performativité de l’écran. Autrement dit, dans ces mises en scène cornéliennes l’écran parvient à son tour à une gageure : rappeler non seulement que l’on est au théâtre mais aussi ce qu’est le théâtre et donc que sa force est de justement briser la continuité des images virtuelles dont nous sommes envahis.