Dès la puberté, les menstruations font écho à un corps féminin sexualisé mais également invisibilisé (Volery, 2015) qu’il faut apprendre à masquer particulièrement pendant la période menstruelle (Mardon, 2009). Le corps de la jeune fille est parfois jugé comme sale et à dissimuler, parfois évalué comme un corps malhabile notamment dans l’activité physique. Inscrit dans un processus de construction sociale du corps (Héritier, 1996), ce modelage du corps est réalisé par la jeune fille menstruée (Lee, 1994), mais aussi par son groupe culturel perceptible dans « les plis des pratiques éducatives » en milieu scolaire (Voléry, 2015). À ce jour, aucune étude en sciences humaines et sociales et de l’intervention n’a exploré les pratiques professionnelles mobilisées auprès des jeunes filles menstruées dans l’activité physique, ni leurs expériences phénoménologiques. Comment les enseignant·es d’Education Physique et Sportive (EPS) et au Centre National des Arts du Cirque (CNAC) organisent-ils/elles leurs pratiques professionnelles lorsque les jeunes filles sont menstruées ? Quelle est l’expérience vécue des élèves et des étudiantes circassiennes ? Cette recherche a pour objectif de documenter les pratiques professionnelles des enseignant·es (EPS-CNAC) et de les croiser avec l’expérience corporelle des jeunes filles menstruées lors de la pratique physique. La spécificité des parcours de formation liée aux deux terrains d’études nous permettra, par une approche comparée, de repérer le semblable et le différent, chez les professionnel·les et les pratiquantes. Deux terrains d’étude sont investigués : 1. Des leçons d’EPS dans le second degré ; 2. La formation initiale au CNAC. Deux modalités de recueil de données sont mobilisées : 1. Des entretiens semi-dirigés auprès, a. d’enseignant·es d’EPS (16 participants) et au CNAC (5 participants), b. de jeunes filles en EPS (en cours) et au CNAC (11 participantes) ; 2. des observations de terrain (vestiaires-toilettes, engagement et postures, relations (pairs, enseignant), tenues vestimentaires, etc.). Les entretiens d’enseignant·s (EPS-CNAC) révèlent différentes stratégies professionnelles : a. certaines semblables entre tous : invitation à la pratique-soutien de la sororité ; b. d’autres particulièrement singulières et isolées : établir un dialogue, assurer la protection hygiénique. Deux natures de difficultés professionnelles sont exposées : 1. gestion de la leçon, 2. adoption d’une posture idoine auprès des filles menstruées en EPS. Enfin, la granularité des verbalisations des enseignants d’EPS révèle un continuum quant au regard porté sur l’élève menstruée vis-à-vis de la relation pédagogique et du « statut » des menstruations. En cours de traitement, les premières analyses des entretiens des jeunes filles rendent compte d’une hétérogénéité dans le vécu menstruel : sécurisation corporelle (masquage et protection du corps), sensibilité corporelle modulée (douleurs, repères internes), état cognitif et affectif modifié (syndrome prémenstruel, gestion des protections). Cette recherche financée pour partie par le CNAC et l’INSPE de Reims vise à mobiliser cet objet d’étude inexploré afin de proposer et discuter de pistes professionnelles innovantes au sein de la formation initiale et continue des enseignants, et au service de la formation des jeunes filles dans les activités physiques. Sujet sensible, des dispositions éthiques ont été prises et validées par le CER n°2023-031/CFM-2. Références bibliographiques Héritier., F. (1996). Masculin/féminin. La pensée de la différence. Paris : Odile Jacob. Lee, J. (1994). Menarche and the (hetero)sexualisation of the female body. Gender and society, 3. Mardon, A. (2009). Les premières règles des jeunes filles : puberté et entrée dans l'adolescence. Sociétés contemporaines, 75, 109-129. Voléry, I. (2015). Les élèves ont des corps. Regards enseignants. Ethnologie française, 45, 643-654.