« Se désaltérer au lait noir de l’aube ? » : intertextes et trajets identitaires dans 'Magnus' de Sylvie Germain
Résumé
Magnus, douzième roman (2005) de Sylvie Germain, a pour héros un enfant adopté par un couple de nazis qui l’ont élevé dans le mensonge sur ses origines et sur l’activité criminelle de son « père », médecin des camps. Avec l’effondrement du Reich commence pour Magnus une quête de vérité qui se prolonge jusque dans les années 1980 à travers 29 chapitres ou fragments. Tout roman inscrit toujours peu ou prou dans sa structure narrative le récit d’une transformation. Ce faisant, ce qu’il advient du héros participe aussi pour le lecteur de la construction identitaire qui en résulte. La poésie, pour sa part, joue plutôt de l’ambivalence et de l’oxymore. Cette tension entre transformation et suspens du sens semble coïncider avec le couple altérité/ altération auquel nous proposons de réfléchir à partir de ce roman.
Si le rapport à l’altérité fonde en général la quête identitaire, force est de constater que le thème du mensonge impose d’abord ici une version altérée des faits sous laquelle se cacherait la vérité authentique, au point qu’on pourrait, au prix d’un néologisme, discerner une tentative de désaltération. Mais on ne joue pas impunément avec l’altération dès lors qu’on prend le risque de l’affronter. La faillite identitaire rôde dont les effets se compliquent pour le lecteur en raison du traitement énonciatif de la diégèse.
On ne saurait donc étudier la quête identitaire qui structure ce roman sans distinguer d’abord la perspective du héros et celle du lecteur, partagé entre participation et distance. Cette distance invite à voir plus loin que l’argument narratif et à rêver, à partir de la méditation poétique tressée au récit, sur les avatars de l’autre dans l’Histoire et dans la langue.
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